La place des femmes en politique

Société - le 3 Mars 2014

Elections

Femmes. Parité en politique, un si long combat

Soixante-dix ans après avoir gagné 
le droit de vote, 
les femmes sont toujours sous-représentées 
dans les assemblées nationales. Et 
au sein des conseils municipaux ou régionaux, les postes supposés dévolus à la «nature» féminine leur sont largement confiés. Les préjugés ont la vie dure… 

«La main d’une femme est faite pour être baisée et non pour déposer un bulletin dans l’urne. » ­Christine Bard, le visage malicieusement ­illuminé, rappelle l’un des poncifs de l’époque d’avant 1944, dans un documentaire réalisé par le collectif féministe du PCF d’Indre-et-Loire. La voix de l’historienne traverse l’écran, emplit la salle, à Tours, où des femmes et des hommes de différentes générations sont réunis pour débattre de la place des citoyennes dans la représentation politique. Ce n’est sans doute pas un hasard si les communistes sont les organisateurs de l’une des premières rencontres célébrant le soixante-dixième anniversaire du droit de vote des femmes, le 21 avril 1944. N’est-ce pas l’un des leurs, le député Fernand Grenier, qui avait saisi le général de Gaulle sur le sujet et obtenu que son amendement soit approuvé par 51 voix contre 16 ? Le droit de vote est « un acte fondateur », affirme, dans le film, Marie-George Buffet. « Elles sont alors reconnues comme des êtres pouvant se mêler de la vie de la cité et ne sont plus cantonnées dans le foyer », précise la députée (PCF) de Seine-Saint-Denis.

Ordre sexué

Un acte fondateur certes, mais qui n’a pas rendu plus féminin le visage de l’Assemblée nationale. En 1993, elles sont 5,9 % à siéger, contre… 5,6 % en 1945. « La démonstration est faite que l’ordre sexué n’est pas déverrouillé », commente la chercheuse Réjane Sénac (lire notre entretien ci-après). Les lois incitatives dites de parité, appliquées au scrutin législatif, parviennent à faire progresser ce pourcentage à 10 % en 1997 et à 26,12 % en 2012. La France est encore loin de la démocratie paritaire. Le législateur avance timidement, sans doute pour ne pas détruire un édifice politique bâti par et pour les hommes. Le pouvoir est sans conteste le domaine le plus jalousement gardé par les hommes. Une simple faille dans la loi et celle-ci est bafouée, contournée (lire notre article sur l’attitude des partis).

Les chiffres qui accusent la discrimination dans le monde politique sont relevés, au cours de la rencontre, à Tours, par Laurence Cohen, la responsable de la commission féminisme et droits des femmes du PCF. En écho à Christine Bard, soulignant que les préjugés sexistes ont parsemé le long chemin vers le droit de vote des femmes, Laurence Cohen note que, soixante-dix ans après, les bouches s’ouvrent pour fustiger toutes les avancées vers l’égalité. Les arguments les plus « conservateurs » sont tenus au Palais-Bourbon ou dans les cortèges s’opposant au mariage pour tous ou aux ABCD de l’égalité. « On a entendu les uns parler de “l’incompatibilité entre l’accès des femmes dans la vie politique et leur mission dans la famille” ; les autres dire que “la femme est inapte par nature à la vie ­politique”. Autant de stéréotypes qu’il faut combattre », soutient-elle.

Retour en arrière

Le retour en arrière est pointé du doigt dans l’assistance. Un étudiant, militant à l’UEC, raconte qu’il est « frappé de voir que, systématiquement, les gens viennent vers moi quand je distribue des tracts devant la porte de ma fac, alors que mes camarades femmes sont ignorées ». « C’est un signe », dit-il. Mais il y en a d’autres, qui donnent, eux, des raisons d’espérer : les hommes sont de plus en ­plus visibles dans ce genre de rendez-vous. Et ils prennent la parole. On ne parle plus de « question de femmes », note un participant, un « vétéran communiste », précise-t-il, mais de « question de société ». « On ne peut plus, nous, militants communistes, considérer ce sujet comme une question “en plus” à traiter. Il y a un sexisme ordinaire comme il y a un racisme ordinaire. »

Un sexisme qui ne manque pas de se nourrir des représentations collectives. Alors que 87 % des communes sont aujourd’hui dirigées par des hommes, les adjointes au maire occupent souvent les seuls postes supposés dévolus à la « nature » féminine. « Nous constatons qu’elles sont en charge de l’éducation, de la famille, de la santé, du social, déplore Laurence Cohen. Combien d’hommes, a contrario, sont en charge des finances, de l’urbanisme, du développement économique, des transports ? » Il n’existe pas de données sur les rôles sexués dans les délégations municipales. On sait, toutefois, que la nouvelle loi sur la parité, instaurée en 2007, dans les exécutifs au sein des conseils municipaux et régionaux, est en passe de transformer cette répartition des tâches. Soixante-dix ans après le droit de vote des femmes, la parité, conçue comme un outil, « doit aussi permettre de s’interroger sur les conditions de travail, le partage des tâches, les stéréotypes sexistes, et l’ensemble des obstacles structurels qui empêchent les femmes de pouvoir pleinement exercer les fonctions à responsabilité », plaide le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.