Manuels scolaires

Les manuels scolaires toujours truffés de stéréotypes sexistes

Des sénateurs ont étudié la question. Leur rapport note des "évolutions incontestables", mais pointe une sous-représentation chronique des femmes et la persistance d'un certain nombre de clichés.

Un rapport sénatorial présenté mercredi 2 juillet 2014 montre que de nombreux stéréotypes sexistes persistent dans les manuels scolaires. 
Un rapport sénatorial présenté mercredi 2 juillet 2014 montre que de nombreux stéréotypes sexistes persistent dans les manuels scolaires.  ( MAXPPP)

Par Vincent Daniel Mis à jour le , publié le

Paradoxe de l'actualité : alors que le gouvernement vient d'enterrer les ABCD de l'égalité, un rapport parlementaire pointe les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires. Il a été rédigé par le sénateur PS Roland Courteau au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (qui compte 36 membres de droite et de gauche) et a été présenté mercredi 2 juillet. 

Si le rapport souligne des "évolutions incontestables", il juge que les livres scolaires récents comportent toujours un certain nombre de clichés, plus insidieux qu'auparavant. Et ces stéréotypes ne sont pas sans conséquences, selon les sénateurs qui ont auditionné les éditeurs d'ouvrages ainsi que des chercheurs. Le comportement des filles et des garçons est touché, mais pas seulement. Cela peut influencer leur place dans la société, tout comme le choix de leur métier...  

"Invisibilité des femmes" dans les manuels d'histoire

Les chiffres sont criants : les femmes sont les grandes absentes des ouvrages scolaires. Selon les études du centre Hubertine Auclert, à Paris, qui promeut l'égalité entre femmes et hommes et dont les travaux ont servi à nourrir le rapport parlementaire, 3% des biographies dans les manuels d'histoire de seconde et de CAP 2010 et 2011 sont consacrées à des femmes. Et sur 1 537 documents (textes, photos, articles...) proposés à l'étude dans les manuels, seuls 65 ont été réalisés par des femmes...

Dans les ouvrages de français, sur 13 192 noms mentionnés en histoire littéraire et artistique, 6,1% sont ceux de femmes et 5% des textes littéraires qui sont proposés à l'étude sont écrits par des femmes. Concernant les manuels de mathématiques de terminale S et bac pro, on compte un personnage féminin pour cinq personnages masculins.  

Figures stéréotypées

Pour Amandine Berton-Schmitt, chargée de mission au centre Hubertine Auclert, "l'invisibilité des femmes dans les ouvrages pose un gros problème". "Ne serait-ce que pour une question de véracité. Ces livres doivent être un outil de transfert de connaissances. Quand vous avez un manuel d'histoire qui gomme complètement les femmes, c'est tout de même embêtant..." explique-t-elle à francetv info. 

Quand les femmes sont présentes dans les manuels d'histoire, ce sont souvent des symboles, des muses, des allégories, comme Marianne ou la Liberté. Dans les manuels d'histoire de seconde et de CAP, "les personnages féminins sont le plus souvent représentés au travers du seul prisme du désir masculin. La femme du Moyen Age n'est représentée que par trois figures stéréotypées : la pécheresse tentatrice, la vierge, ou la dame de l'amour courtois", décrit le rapport parlementaire. 

Dans un manuel de maths, on évoque la physicienne Marie Curie, en ajoutant : "Elle a souvent été associée aux travaux de son mari." "Les manuels évoquent la courbe d'Agnesi sans présenter cette savante, alors que l'explication du théorème de Pythagore s'accompagne d'une notice biographique du mathématicien grec", indique aussi le rapport en référence à la mathématicienne italienne.

Des clichés "plus sournois" persistent

Certes, les années 1960 sont loin : fini le temps des femmes en cuisine et des hommes au garage... Mais des clichés "plus sournois" persistent. Amandine Berton-Schmitt cite ainsi l'exemple d'un manuel de mathématiques de terminale. La seule femme représentée dans le livre apparaît dans une double page consacrée aux nombres complexes. On peut y voir le dessin d'une jeune fille face à un miroir. Elle se dit : "Ils disent tous que j'ai un complexe mais je le vois bien, j'ai encore grossi !" Autre exemple : dans un ouvrage pour les élèves de CAP, on voit des femmes dans une usine de l'industrie textile, présentée comme la première à employer des femmes. Le texte précise que les machines "ne demandent pas de force musculaire, mais de l'habileté et de la concentration".

Le rapport parlementaire pointe, dans les manuels scolaires, une répartition des rôles sexués stéréotypés. "Une association permanente entre le féminin, la maternité, l'éducation et les soins aux enfants, les activités ménagères." Et pour les garçons, "la valorisation de certains comportements (se montrer fort, ne pas pleurer, ne pas se plaindre) et l'absence de certaines représentations (métiers du social, relation père-enfant, activités domestiques, etc.)".

De quoi influencer les relations sociales des futurs adultes, mais pas seulement. "Cela pose un vrai problème d'orientation professionnelle, estime Amandine Berton-Schmitt. On ne se projette pas en femme scientifique ou en homme infirmier si l'on n'en voit pas. C'est donc regrettable pour ces adolescents qui ont besoin d'identification."